(extrait, page 9)
"La filmographie complète de Luis Buñuel pourrait ne comporter qu'un seul titre - L'Age d'or - et ce film, à lui seul, suffirait à justifier déjà pleinement l'admiration reconnaissante que ce cinéaste fraternel suscite, non sans jubilation, en toute personne qui travaille pour donner à notre avenir une fraîcheur d'aube après le grand soir.
Car, à l'issue de l'étrange délire d'Un Chien andalou, Buñuel, avec L'Age d'or, a jeté le vrai cri, le plus inimitable hurlement en faveur de la liberté, l'unique protestation destructive-constructive totale inscrite à ce jour dans l'histoire du cinéma. Cette oeuvre brille d'un éclat incomparable au ciel du septième art : c'est l'étoile sur laquelle tous les cinéastes épris d'indépendance à l'égard des idées reçues (ou à l'égard des bons sentiments routiniers), peuvent et pourront toujours orienter leur difficile navigation dans les eaux troubles d'un industriel moyen d'expression constamment dépossédé de sa force de frappe spécifique par la collusion du capitalisme et de l'hypocrite vertuisme réactionnaire. Film-cri et film-blasphème, L'Age d'or joint à la subversion véhémente la provocation la plus déflagrante et fait déferler à plein écran les cyclones de l'amoure fou. Il brise les tabous des traditions rassurantes, les douces illusions du confort moral établi sur des croyances qui aliènent l'homme au lieu de le glorifier. Son efficacité première résulte d'une agression qui ne s'épuise pas au niveau de la forme dépaysante mais qui remue, au contraire, outrageusement le fond."
Freddy Buache