(extrait, page 33)
"Cherchant à s'imaginer une carrière, Jacqueline avait pensé, comme tant d'autres filles, à l'Ecole normale ou à l'Ecole d'interprètes. Elle commença, de 1950 à 1953, par apprendre les langues. Par quel coup de dé a-t-elle choisi, finalement, l'Ecole des bibliothécaires de Genève ? Le cheminement d'une destinée n'étant pas immédiatement pénétrable, elle crut longtemps s'être fourvoyée et n'acheva ces études que pour satisfaire sa famille. Sans le savoir, elle se construisait un tremplin vers le cinéma, but encore voilé dans des brumes adolescentes.
L'isolement, à Genève, fut plus grand qu'à Lausanne, malgré quelques professeurs brillants, tels Alfred Berchtold le passioné ou Auguste Bouvier, à la finesse contenue. Il fut décidé que Jacqueline rentrerait chaque soir à Lausanne et ces années furent de bus, de trains et de trams. Mais le soir, il lui restait assez de forces pour le ciné-club. Chaplin devint son maître avec Buster Keaton, Renoir. Elle lut beaucoup sur le cinéma dans la conviction grandissante d'avoir trouvé sa voie. La leçon principale était celle de la rupture. La Broye s'effaçait, dès lors qu'un univers paraissait s'ouvrir hors des perceptions immédiates."
Bertil Galland