(extrait, pages 10-11)
"Au début de sa jeunesse bohème, Soutter n'avait pas imaginé que la caméra pourrait, un jour peu lointain, remplacer dans sa main la vivacité du stylo, car sa vocation, croyait-il, serait d'apporter par les mots écrits, le goût du bonheur à travers une prise de conscience chez le citoyen qui, parfois, s'assied pour partager avec des voisins le plaisir d'un verre, d'un instant de repos, d'un regard ou d'une écoute, complices ou non, quelque part dans un estaminet ou devant une table sur une terrasse de jardin parmi les arbres [...].
Il est né le 2 juillet 1932 à Genève (mais originaire de la commune vaudoise de Morges) d'une grand-mère paternelle russe, d'un grand-père 'Suisse de Russie', et son père fut contraint de partir habiter la Suisse, avec sa mère et ses deux frères, à cause de la Révolution soviétique de 1917. 'Dès mon enfance, confessait-il à Patrick Ferla dans un entretien de L'Hebdo (12 juillet 1990), la vie de famille me fut difficile. Mon père était un home compliqué, mélange de Jack London et de personnages de roman de Dostoïevski... ce que m'a confirmé, un jour, mon parrain, le dramaturge et traducteur Gabriel Arout : quand je travaille, m'a-t-il dit, à la traduction de L'Idiot de Dostoïevski, il suffit que je songe à ton père pour que j'aie la clé de tous les personnages du roman... Autrement dit, mon père avait les qualités et les défauts de ces hommes-là, j'ai du sang russe dans les veines'."
Freddy Buache